Mon oncle avait perdu sa jambe à Verdun. Je me souviens, alors enfant, de sa prothèse qu'il otait le soir pour se coucher. Tout cela me semblait assez banal en fait. En effet, je ne l'avais jamais connu autrement. Parfois il usait d'une canne, ou même de béquilles pour se déplacer. Quand les échos barbares se faisaient, probablement, encore trop présents. Il y avait aussi la Simca Aronde, bleue. Le modèle Elysée. Toujours impeccable. Avec un aménagement spécial, à seulement deux pédales et une sorte de cerclo brillant, comme un anneau de Saturne, au coeur du volant. Probablement la pédale de gauche, l'embrayage. En effet je me souviens de la commande de boite, manuelle, à 4 rapports qu'il passait de la main droite.
Au coeur des années 50, la "Grande Guerre" était déjà lointaine, et ancienne dans nos univers d'enfants. Entre-temps, hélas, il y avait eut la seconde. Guerre Mondiale. Et sa barbarie d'extermination. Ses cohortes errantes et ses ruines infiniment posées. Et nos parents, témoins directs, et souvent peu bavards. Mon père qui avait été prisonnier cinq ans en Allemagne, dans le Bad Wurtemberg, n'en parlait pas beaucoup. Mais il ne gardait aucune rancoeur pour le peuple allemand, et c'est probablement aussi pourquoi j'ai toujours tant aimé la culture allemande. Et ce pays. Dont nous sommes si proches. Et bien sur, tellement proches artistiquement.
Néanmoins, vers la fin de ces années 50, lorsque nous étions encore en classe avec des blouses et des médailles le samedi ... avec en ligne droite de mire le lycée (c'était Paul Valéry), mon grand-père qui avait commandé une pièce de "75" lors de ces années de folie, me disait : le pire c'était l'odeur. C'est curieux comme je me souviens de ces paroles qui ne m'évoquaient alors que peu d'émotion. Je dois le reconnaître ! Mais quand on a quelques 6 ou 7 ans on ne capte pas forcément. Aujourd'hui ces mots frappent à ma mémoire comme les premières notes de la symphonie en Ut mineur du "Maître de Bonn". L'odeur des morts. De la décomposition. Du Rien.
De l'Absurde.
Mais aussi, comme les mots des nationalismes. Les mots des replis. Des peurs et des vieux démons qui hélas, tels ainsi des spectres maléfiques et nauséux, ressurgissent ici et là dans les illusions malheureuses de nos concitoyens. Peut-être en mal d'identités. Et surtout dans la peur. Celle de l'autre. La peur des différences.
La peur des différences ne serait-elle pas la peur de la connaissance ?
Il ne faut pas, non plus, aller vers la dissolution. Le bonheur n'est pas dans la domination. Il est dans le partage. La compréhension et l'apprentissage.
Il n'est pas aisé, c'est probable, d'intégrer à notre culture d'autres cultures. L'autre est toujours celui qui nous dérange. Celui qui peut nous dominer. Un jour ou l'autre. Sauf que si l'on pense ainsi on en reviendra vite aux années 14. Et la suite. Que l'on connait.
Enfin ... plus ou moins. Tous ceux-là qui sont "vent-debout" contre Notre Europe se rendent-ils compte qu'ils se dressent contre la Liberté, la Paix et la Vérité ? Est-ce un manque de Culture ? Ou bien plus simplement la "Peur Antique" qui a tellement labouré nos Terres d'Europe ?
C'est facile d'être Contre. C'est moins facile d'être Pour. D'être pour la Paix d'un Continent qui est le plus grand, le plus volontaire et le plus fraternel du Monde.
Je me souviens que dans les années 90 j'avais collé une sorte de blason en relief ... à l'époque ... avec les étoiles européennes sur la vitre arrière de ma ZX Volcane (une magnifique voiture !). J'étais fier de cette appartenance, et j'en suis fier aujourd'hui.
Maintenant je roule en Hybride. Un véritable bonheur d'électricien. Mais bon ... j'attends encore plus ... la prise sur le réseau de la maison.
Cela existe. Mais pas encore démocratique ...