Ce 4 juillet, et quelques jours, un joli petit séjour en Baie de Somme. Belles lumières et douceur du Pays, et des Gens, si aimables et accueillants. Lenteur du temps comme on aime à le sentir en soi, en goûter les heures doucement et sur le fil de la Baie, à la lente marée parfois si grise que l'on pourrait ne pas l'aimer, ce ciel. Saint-Valéry, jolie cité au secret médiéval. Que l'on découvre aux pas du soir, plus loin que les aires de stationnement, indispensables il est vrai, mais peut-être un peu trop instrumentalisées. La gestion du patrimoine n'est pas seulement affaire(s). Il faut savoir laisser au visiteur l'errance de la quète. Il ne s'agit certes que d'impressions, comme le disait ce cher Claude. Pas si loin de là. Un peu plus bas sur la carte.
Après la 231D des lignes de Zola, je visitais plus simplement la Baie de Somme. Belles lumières, comme je le disais plus haut, tranquillité du temps, aussi. Lentes promenades des familles, des
chiens, et chercheurs en Sérénité. Il n'y a pas à dire d'Autre : ça fait beaucoup de bien. Et puis, bien sur il y a le Train. Mon si cher Train. Je ne m'en suis pas lassé d'admirer les 130,
refoulant, les jets de vapeur, les coups de sifflet, rarement à l'unisson de mes souvenirs de Mikado mais plus proches des souffles rauques des BR d'Outre-Rhin... et les voitures, magnifiques, au
bois rutilant, aux banquettes si empreintes de Vies, aux si tendres et miraculeuses oeillades de nos grands et arrières... parents. Un vrai Bonheur. Et puis la proximité si tranquille des équipes
de conduite, et de contrôle. Merci à Tous. J'ai retrouvé, au gré de ces traverses et de ces rails parfois sinueux, l'odeur âcre du foyer, les rafales de fûmée, le râle de la chaudière et la peine
en rampe, tout ce qui a fait, de mon enfance encore bercée du sifflet des 242 du Morvan... mon envie de tous les trains.
Parce que j'adore le TGV. Sa beauté aéronautique, si brutalement il faut le dire, arrachée à l'ingénieur Bertin. Parfois, quand je traverse la plate campagne du Loiret, par l'autoroute A 19, je croise ce rail en béton, demeuré unique et moribond, et qui portait tant en son temps l'avenir de la vitesse et l'agenda des gens pressés. Je crois que je l'aimais bien cet Aérotrain. Mais le TGV, ou plutôt ceux qui décidaient en ces temps, en ont eu raison. Peut-être avec raison. Peut-être avec rudeur. Aussi.
Alors, et si j'adore notre TGV, bien malheureusement mis en berne ces temps-ci, je crois aussi aux petits trains de proximité. Vous savez, ceux qui conduisaient au marché du Jour, ceux qui nous emportaient pour la journée à la Mer... Tous ces petits trains de la Vie locale, qui ne roulaient pas à 320 km/h mais qui avaient, et ont, nécessité. Et, inévitablement je pense aux Picasso ! Mon autorail si aimé ! Il y avait à Saint-Valéry un bel autorail, à voie étroite bien sur. J'ai fort envie à la prochaine visite de m'y lover, sur la banquette un trop peu rèche, d'un brun rauque, qui nous donnerait à rêver le voyage. Rien que le ronronnement du Diesel m'attache au bonheur d'un voyage à venir.
Depuis que j'écrivais ces lignes, ce vendredi 12 juillet le rail se voila de deuil et de souffrance. Aux portes de la Grande Banlieue, en cette fin d'après-midi d'été, un train déraille à près de 140 km/h, en entrée de gare. Il fait un bi-voie et les voitures déviées laminent un quai et tuent, blessent, choquent aussi ceux que la vie et l'hopital ont ignorés. Les hommes du rail sont en deuil. Mais le devoir, ce sens du Service Public qui est une valeur primaire du Cheminot, ce devoir s'anime. Au long des jours les voitures sont relevées, les rails remis sur voies. Le train doit continuer. Il faut le plus rapidement possible rendre la circulation. Rendre la voie. Des milliers de personnes ont besoin chaque jour du RER pour rejoindre leur travail. Et ce travail est essentiel. Les Hommes du rail ont le devoir d' assurer ce service.
Et depuis ces lignes, hélas, un autre accident. En Espagne. Effroyable. Incompréhensible. Surtout quand on regarde la vidéo. Lorsque le train entre en courbe. Manifestement bien trop vite.
Série noire. Il faut peut-être que je cesse d'écrire ce post. Aujourd'hui, 29 juillet, nouvel accident, en Suisse cette fois. Collision frontale. De nombreux blessés.
Qu'est-ce qu'une série noire ? Mathématiquement, je ne vois pas. Mais il est vrai que mes études en la matière n'ont guère dépassé le niveau de Math Sup. Et depuis, j'ai bien oublié les Séries, et autres Suites. Et même, les Intégrales. J'en garde toutefois une admiration ∞ pour l'élégance et la beauté des ces équations. Proches d'oeuvres d'Art.
Du temps de la vapeur, il y avait beaucoup d'accidents. La signalisation mécanique, un progrès essentiel - après avoir été tout simplement humaine, la signalisation devenait rapidement plus précise, plus fonctionnelle. Au prix sans doute de tringleries monumentales, extravagantes et hypothétiques, malgré tout. Mais l'organisation ainsi posée allait permettre, avec l'augmentation de la puissance des locomotives, un formidable essor. La mise en oeuvre très large de l'électrification, et tout se qui s'en suivit, contribua sans nul doute à la démocratisation du train, transport de masse mais aussi de luxe. Souvenons-nous du Mistral, du Capitole, du Sud-Express, et tant d'autres. Mais finalement, le grand-tournant, ce fut le TGV. 1981. Premiers TGV de ligne, sur la LGV 1, encore bien incomplète. Les rames Orange déferlent à plus de 250 km/h avant de se retrouver plus sages, au fil des rails ancestraux. Et puis, il y eut le TGV A, comme Atlantique, et puis l'Est, dernier fleuron qui pousse à 320 les rames bleues. En attendant la suite.
Le TGV est non seulement une merveille de technologie, c'est aussi une merveilleuse réussite commerciale. Capable de prendre les parts de marché de l'aviation sur de courtes et moyennes distances, en Europe. La technologie française est en pointe.
Il faudrait savoir lui conserver sa pôle-position, comme on dit en F1. Il ne faut pas voir à court-terme. Les ingénieurs, et les politiques aussi, qui avaient alors choisi le TGV - détruisant il est vrai, hélas, le magnifique Aérotrain - ces hommes ont eu un véritable sens de l'à-venir. Celui du Chemin de fer, mais aussi celui des Hommes. De leurs déplacements. De leurs besoins des années 2000. De leurs envies de loisirs et d'affaires. Et tout. Et tout.
Notre Pays doit maintenir cette excellence. D'autant que notre TGV est sans doute le plus sécurisant des trains à grande vitesse. Nul doute à ce propos. Naturellement, le Risque Zéro n'existe pas. Dans la vie. Dans la technologie aussi. Il faut le savoir. Tout de même...
Mais si le TGV est notre excellence, sachons aussi garder celle de notre légendaire Compagnie Nationale. Régularité. Sécurité. Confort. Pour aller à la Foire, pour aller rendre visite au vieux cousin perdu dans sa mémoire faillible, pour aller simplement au Marché du samedi à la Ville, pour monter à Paris... sachons garder l'esprit des Picasso. Ici dans mon village, j'avais 15 ans et je descendais d'un 3800 vers les midi-trente. Et le soleil tappait dur ! Fallait monter la côte, un bon kilomêtre avant d'accoster la maison. Là justement où j'écris ce soir. Et dans le jardin, souvent, je poercevais l'écho du Klaxon, si tendre et nostalgique du Picasso du soir.
Il faut savoir préserver cette diversité. Cette extraordinaire capacité à répondre aux besoins des Hommes. J'ai envie de vous dire, Monsieur le Président (de la SNCF, Monsieur le Président Pépy), veillez à nos éclisses, à nos TJD, à nos VACMA et autre KVB, mais gardez-nous ce merveilleux TGV, ce magnifique outil de l'évolution, et du progrès. Le "Déplacement" du XXIème Siècle.
Nous en sommes si fiers. Et si reconnaissants, à nos ingénieurs.