Raymond Aubrac est mort tout dernièrement. C'était une grande figure de la Résistance. A 97 ans il peut s'en aller "tranquille", avec l'assurance de notre respect et celle de notre gratitude. Grâce à lui, et à tous ceux qui ont choisi alors leur camp - celui de la paix et de la liberté, celui de l'égalité et de la fraternité, celui de la culture et de l'avenir - grâce à eux les hommes et les femmes de ma génération ont pu naître dans un monde libre et innovant. Un monde d'espérance(s) et de bâtisseurs. Un monde enfin apaisé.
J'ai eu la chance d'avoir dans ma famille un homme que j'aimais beaucoup. Mon cousin Roger. Il faut dire que j'ai passé toutes mes vacances de petit garçon à Montmeyran, petit village de la Drôme, proche de Valence et dont mon cousin fut le maire, durant deux mandats. J'ai conservé de ces mois de vacances d'été un souvenir impérissable. Plus tard, je suis bien sur retourné de nombreuses fois à Montmeyran. La dernière fois c'était je crois en 1987, avec France, ma femme. Roger vivait alors seul dans sa maison de la route d'Etoile, Mitou ayant quitté cette vie quelques années auparavant. Mitou était une femme que nous dirions aujourd'hui "adorable". Douce. Cultivée. Prévenante. Elle correspondait si bien à mon lion de cousin... A Montemyran, nous y avions passé quelques jours. Je me souviens de quelques virées en Vercors. Nous rentrions le soir à la maison et France me disait: "Je suis épuisée"... "Je n'en peux plus"... Mais c'est tellement fort. Il faut dire que Roger avait la parole alerte. Volubile. Et tellement essentielle. Il nous en a tant raconté. Tant et tant... Du plateau ou les avions UK lâchaient quelques containers, la nuit, à tel ou tel massif... Roger était un livre de Notre Histoire, "On Line" comme on le vit aujourd'hui. Nul doute d'ailleurs pour moi qu'en 2012 il aurait participé à cette formidable aventure de l'internet. C'était un homme du Progrès.
Ils se font rares.
Maire d'un petit village de la Drôme, ancien Résistant, ancien Haut Fonctionnaire - Nommé par Le général de Gaulle - il fit jumeler sa commune avec une petite bourgade de la RFA... J'en garde d'ailleurs un Stylo... Magnifique! Yellow... Yes, Sir! Il est dans un tiroir de mon bureau, à Melun.
Il y a environ un an, j'ai découvert, pas tout à fait par hasard, un extraordinaire document audio. Il s'agissait d'un entretien, d'une durée d'environ quinze minutes. Roger y évoquait l'émergence de la résistance en région drômoise. Le Nap. Grâce à la gentillesse de Robert Serre, initiateur de cet interview, et du Musée virtuel de la Résistance, j'ai pu obtenir une copie audio sur K7. Émouvant de reconnaître la voix de mon cousin, enregistrée en 1984. En juin 1986, Roger était avec nous, lorsque nous nous sommes mariés et ce fut un beau souvenir. Peu de temps avant sa disparition il était venu à Paris, rendre une visite ultime à des gens qu'il aimait. Je crois que nous avons partagé avec lui son dernier repas au restaurant, face à la Gare de Lyon, un soir d'hiver. Nous avions mangé des huîtres. Le lendemain, il a pris le tgv pour Valence mais n'est jamais plus revenu chez lui. A la gare il a fait un malaise et a été emmené à l'hôpital, où il est mort. Mes parents sont allés à son enterrement, et quelques années plus tard nous avons découvert - nous l'avions cherchée - sa tombe, dans le cimetière de Chabeuil. Face au Vercors, fouettée par le Mistral. Un endroit qui lui ressemble si bien. Je me souviens. Nous étions en vacances à Nyons. Sur le chemin du retour nous avons décidé de passer par Montmeyran et je dis à France: " ce serait quand même super qu'une rue porte son nom dans le village". Et en arrivant à Montmeyran nous voyons "groupe scolaire Roger Marty". Quel bonheur! Le lien avec l'éducation. L'avenir. Je remercie la Municipalité du village d'avoir ainsi donné le nom d'un résistant avide et gourmand du futur ( et gourmand aussi des nourritures terrestres ) à un équipement si essentiel à la pérennité de notre espèce.
Roger, dans son bureau à Montmeyran. Je ne suis pas certain de la date de cette photo. Je préfère donc ne pas la donner. C'est dans son petit bureau qu'un jour où j'étais à Montmeyran, dans les années 77/78, il m'a tendu son manuscrit et m'a dit: "Tiens, lis çà"/ Prends ton fusil, Grégoire, Mémoires d'un terroriste." Et bien sur, je l'ai lu de suite...
Voici donc cette entretien au format Windows Media. Encore merci à Robert Serre et à sa gentillesse.Si je retrouve dans mes archives familiales quelques photos de Roger je ne manquerais pas de les déposer ici, sous forme d'un petit album.
Pour écouter l'entretien, cliquez sur l'icône. Le codec Wma étant très spécifique MS, je proposerai aussi cet entretien en Mp3.