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Rechercher dans les mots anciens comme on entre au musée, Berthe. Aujourd'hui, blanche ou bien ambre, dans ta vitrine tu vois passer les heures. Le silence enveloppe ta bulle, mais au-delà de tes frontières trop claires tu perçois les chuchottements feutrés des amateurs érudits. Ces gens de connaissance ont toujours à dire, et à redire. Même que parfois, l'une ou l'un d'eux se pose, longuement, devant toi, et à grande force d'arguments invérifiables, il ou elle, qu'importe si c'est elle ou lui, échafaude la théorie de ta chronologie. Mais toi, Berthe, tous ces mots que tu ne saisis que par les mouvements de lèvres du savant, tous ces mots qui s'éparpillent aux quatre vents de l'indispensable culture, tous ces mots t'indiffèrent, ou au mieux te font sourire. De ce sourire séculaire, que tu préserves à tes admirateurs, ou simplement visiteurs curieux, pour qu'il repartent contents.

Un jour, loin dans les sables, l'archéologue t'as trouvée, blanche et offerte à son émotion. Ce fut aux termes de longues, lentes et parfois hasardeuses, recherches.
Lui n'avait d'autre raison dans la vie, et toi, tu n'étais là depuis... que pour lui.
Tu écrivais ces lettres sans papier, sans parchemin et sans messager et il les cueillait, comme on goûte à la saveur du premier fruit. Alors il répondait, quand les longues marches éprouvantes et les fouilles, lui en laissaient la force. Mais toujours sa pensée te savait.
Il en est ainsi des histoires, Berthe, de ces mots d'Outre-Temps qui font parfois l'Histoire.

Les musées détiennent les clefs de l'Histoire, Berthe. Dans les musées on ne parle pas haut devant, on murmure, on feule les mots à l'oreille des momies.Toi parfois, Berthe, tu cries fort, tu cries si fort que les murs en verre se fissurent de partout, et au matin, quand l'aube blème dessine aux très hautes baies sécurisées de la salle, vierge encore de tout humain évolué, la morne réalité du temps, alors des gardiens appeurés chercheront en vain, dans leur mémoire d'enfant, le voleur invisible, parti sans rien prendre. Et puis, ils changeront tes vitres, prenant d'infinies précautions, qui les font ressembler à des mimes gantés, lents et inquiétants. Ainsi tu reprendra ton Temps bien protégé, lisse et imperméable.

La vie n'est pas lisse Berthe, la vie laisse sur les chemins des cailloux, des rochers, et parfois des avalanches, qui vous submergent. Tu le sais, Berthe, toi qui vivait dans les villes de sable, quand le vent du désert levait son souffle  bien haut et que tu étouffais, tapie dans un recoin de murs. Tu connais cette opression sourde, et néanmoins violente, qui rend toute résistance inutile et condamnée. Tu sais qu'il faut attendre, attendre que le souffle de la tempête se perde dans l'horizon, au delà du quelque-part, dans le néant. Alors tu sais, Berthe, que tu retrouveras l'oasis luxuriante, la lumière douce et chaude, le fourmillement de la vie et son bonheur de croire.
Dis, Berthe, avant je croyais qu'il fallait écrire des mots bien léchés. Mais non, Berthe, il faut jeter les mots ainsi, comme on dirait "ne dis plus jamais çà", ou bien "faudrait penser à sortir les poubelles".
Tiens, il pleut fort, Berthe, le vent d'orage lave le bitume et les pavés, les éclairs générent le bruit sourd  du tonnerre. Tu sais, Berthe, être foudroyée.
Peut être que c'est ainsi que tu es venue ici, bien longtemps après ton coup de foudre.


Il faudra bien que je demande un jour, à l'archéologue.


Visites au musée (1)
Tag(s) : #Le blog deBerthe
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