Dimanche au musée. Les visiteurs dominicaux ne ressemblent pas à ceux des jours de semaine. Ils sont tout à la fois lointains et
plus pressés, mais s'attardent aussi et savent poser les questions qui embarrassent. Ils prennent du temps tout en donnant l'impression de ne pas en avoir. Ils arpentent les salles à pas lents
mais avec rapidité. Paradoxe. Le musée est une grande bâtisse, un curieux mélange de patrimoine et de modernité architecturale, bien plantée en coeur de ville, dans un de ces lieux urbains où la
nuit ne se fait jamais vraiment. Le musée propose de nombreuses et variées collections, archéologiques, artistiques, de société. Plusieurs salles sont réservées à des ateliers de restauration et
d'autres à la recherche. Toi, Berthe, tu es au Centre. Exactement au coeur du lieu.
Quant il t'a ramenée de fouilles, au terme de son long et parfois douloureux périple, dont seul l'amour a donné le terme, quant il t'a ramenée au temps qu'il est, l'archéologue a voulu pour toi le plus bel écrin qui soit. Il te fallait aussi un lieu vierge, un lieu précis, très exactement là où tu devais être maintenant. La suite, tu la connais. Les plans, les chantiers, le temps qu'il faut pour aboutir. L'archéologue te prit avec lui durant toutes ces années. Tu partageas ses jours et ses nuits. Ce fut un temps de Joie. Peut-être qu'un jour le chercheur racontera, qui sait.
Maintenant tu es au coeur de ce musée construit pour toi et autour de toi.
Peut-être vais-je m'épuiser lentement, à cette correspondance sans réponses. Tu vois, Berthe, toi quand tu correspondais avec l'archéologue, le temps n'était pas obstacle. Ici, le temps semble dresser devant moi comme un mur haut et lisse, un mur sans accroche, un mur très laid. Jamais le mot ne traverse ce mur, jamais l'écrit, ni même la parole n'en vient déranger l'ordonnance plate et lugubre. Tout autour de moi il y a un mur, un haut mur qui reclut, un haut mur qui condamne. L'amour perdu est pire que la mort. C'est une agonie lente et douloureuse qui amène au néant. Le néant, c'est ce qu'il reste lorsqu'il ne reste plus rien. C'est aussi contempler la lumière bleue et blanche du ciel, la lumière froide d'un début d'hiver, et ne rien éprouver, ne rien vouloir. Tu sais, Berthe, dans tes lettres et celles de l'archéologue on sentait parfois la fatigue, la lenteur, le découragement et l'envie, parfois, de tout arréter. Mais l'amour se tenait toujours profond, au creux des mots et des silences, entre les virgules et les blancs, il a tenu le livre et c'est ainsi que vous avez abouti.
Aujourd'hui, je m'épuise seul, Berthe, je m'épuise à croire, et c'est plus terrible que tout.
Que fais-tu, Berthe, que fais tu quand l'intérieur te ronge, quand tu te sens bouffé par une souffrance qui t'échappe, qui te file entre les mains et glisse comme une anguille gluante et libidineuse. Que faire, Berthe, quand le doute étend sur tes yeux son voile noir et puant, quand le soleil ravive les plaies que tu croyais oubliées, quand les noirs corbeaux volent devant ton regard qui se perd, au loin, dans tes souvenirs. Que faire, Berthe? Il faut que tu me dises, il faut que tu m'éclaire. Avant que la nuit ne m'enveloppe complètement de son noir manteau, avant que le silence n'inscrive en moi l'éternité.
Quant il t'a ramenée de fouilles, au terme de son long et parfois douloureux périple, dont seul l'amour a donné le terme, quant il t'a ramenée au temps qu'il est, l'archéologue a voulu pour toi le plus bel écrin qui soit. Il te fallait aussi un lieu vierge, un lieu précis, très exactement là où tu devais être maintenant. La suite, tu la connais. Les plans, les chantiers, le temps qu'il faut pour aboutir. L'archéologue te prit avec lui durant toutes ces années. Tu partageas ses jours et ses nuits. Ce fut un temps de Joie. Peut-être qu'un jour le chercheur racontera, qui sait.
Maintenant tu es au coeur de ce musée construit pour toi et autour de toi.
Peut-être vais-je m'épuiser lentement, à cette correspondance sans réponses. Tu vois, Berthe, toi quand tu correspondais avec l'archéologue, le temps n'était pas obstacle. Ici, le temps semble dresser devant moi comme un mur haut et lisse, un mur sans accroche, un mur très laid. Jamais le mot ne traverse ce mur, jamais l'écrit, ni même la parole n'en vient déranger l'ordonnance plate et lugubre. Tout autour de moi il y a un mur, un haut mur qui reclut, un haut mur qui condamne. L'amour perdu est pire que la mort. C'est une agonie lente et douloureuse qui amène au néant. Le néant, c'est ce qu'il reste lorsqu'il ne reste plus rien. C'est aussi contempler la lumière bleue et blanche du ciel, la lumière froide d'un début d'hiver, et ne rien éprouver, ne rien vouloir. Tu sais, Berthe, dans tes lettres et celles de l'archéologue on sentait parfois la fatigue, la lenteur, le découragement et l'envie, parfois, de tout arréter. Mais l'amour se tenait toujours profond, au creux des mots et des silences, entre les virgules et les blancs, il a tenu le livre et c'est ainsi que vous avez abouti.
Aujourd'hui, je m'épuise seul, Berthe, je m'épuise à croire, et c'est plus terrible que tout.
Que fais-tu, Berthe, que fais tu quand l'intérieur te ronge, quand tu te sens bouffé par une souffrance qui t'échappe, qui te file entre les mains et glisse comme une anguille gluante et libidineuse. Que faire, Berthe, quand le doute étend sur tes yeux son voile noir et puant, quand le soleil ravive les plaies que tu croyais oubliées, quand les noirs corbeaux volent devant ton regard qui se perd, au loin, dans tes souvenirs. Que faire, Berthe? Il faut que tu me dises, il faut que tu m'éclaire. Avant que la nuit ne m'enveloppe complètement de son noir manteau, avant que le silence n'inscrive en moi l'éternité.