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2.   
Octobre

S’éveiller au coeur de la nuit, profonde encore. Dans le silence terrible de la nuit. Et tout de suite, tout de suite, avant même que les yeux ne cherchent un peu à s’apprivoiser, avant même que l’esprit se raccroche au temps, tout de suite la question, les mots qui viennent, sans même s’annoncer tant soit peu:    
    - encore un jour
Mais rien ne vient plus... rien, rien du tout. Alors, tout à coup, les mots se pressent dans la tête, ils vont dans tous les sens, ils s’entrechoquent, ils font mal, ils distillent bien de mauvaises pensées, ou quelquefois, miraculeusement, le sourire. La tête va exploser, le coeur bat trop fort, le coeur va exploser lui-aussi. Alors moi, pauvre corps étendu dans ce lit, pauvre chair déjà vieille, pauvre coeur trop remué, battu,  pauvre type, je me dis:
    - je vais crever. Oui, aujourd’hui, je vais crever, en finir, partir loin, plus loin que les étoiles, plus loin que les anges, m’abîmer dans les abysses, les béantes crevasses,  me fondre dans le rien, m’effacer d’un trait comme quand la gomme écorche le papier jusqu’à la déchirure. La douleur me pénètre, elle m’étouffe, me ceint la poitrine jusqu’au cri, retenu. Crier dans la tête, crier si fort que les tempes résonnent et que le coeur roule tambour, dedans, bien enfoui là où ça brûle.
L’envie de se lever, brutalement, partir, partir, s’enfuir loin, très loin, ailleurs. Il faut résister. Il faut tenir. La résistance épuise jour après jour, de tous ces jours qui n’ont plus rien de bon. Envie d’écrire, écrire au-delà du vide, au-delà du manque, écrire plus loin que la main, plus loin que la frontière des mots tus. Mais le geste est trop dur. Il se donne au silence. 

    Alors, je la vois la dame, elle se frotte, elle me caresse, elle est trop douce, parfois. Son sourire léger, comme accroché à l’espace, me fascine un peu. Ses yeux creux, vidés de sens, semblent apaiser la souffrance trop lourde. Elle est mince et presque maigre, elle semble ne jamais être à la même place. Elle ne parle pas  mais ses mouvements incessants et dilués insufflent comme une mélodie, doucement mineure, à la chambre. L’envie de lui donner tous mes mots en pâture, tous ces vilains mots qui montent et qui emplissent ma bouche d’infectes et lentes phrases. L’envie de lui donner mon air, celui qui peine à irriguer mon corps, l’envie de lui donner ma douleur, pour ne plus avoir à la porter ainsi, du triste matin au triste soir. Elle ressemble à un tableau, un de ces tableaux  que l’on voit  beau mais que l’on n’aimerait pas avoir accroché à un de ses murs. Elle a pour me séduire bien des charmes impurs, prenant formes rondes et aimées, marche lente et sensuelle, sourire de l’ange.
Lentement, l’aube se fait. Une infime lumière esquisse les objets, les meubles. Je ne veux pas de ce rendez-vous avec Elle, je ne veux pas saisir cette main faussement tendre qui se tend à moi. Je la repousse avec ce qu’il me reste de ma volonté détruite, avec les fragments de ma joie presque défunte, avec mon envie d’être. Elle résiste un peu, comme la femme tentée mais qui se garde encore d’abandonner son âme à la triste chair, et puis, fille du poète sans doute, elle part. Elle s’efface, elle se dissout, elle ne fut jamais.

    Alors, j’ai envie de vivre, courir, aimer, envie de te voir, te découvrir, t’emporter, te transporter,

        Te garder.

Tag(s) : #Rencontres
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