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"Mon coeur est une écluse où se pressent des flots de souffrance toujours renouvelés"

Etty Hillesum - Une vie bouleversée

 

Je ne sais plus où tu es. Quelle folle inquiétude. Quelle si terrible angoisse qui ceint mon coeur. Je t'imagine en Pays en guerre, là-bas dans les sables si mouvants, de l'âme. Je te pense si fort dans ma ville de ces nuits trop froides. Je t'invente au soleil. Je t'invente à la nuit de la tente, à la nuit des rôdeurs, des reptiles craintifs et des charognards si rieurs. A la nuit incertaine de tes rêves épars. 

Je crois bien que je t'aime. Si simplement. Avec une évidence. Un geste qui rassure. Un si doux geste, et tranquille, accroché humble et serein à l'ombre nonchalante des morts.

Ma douce et tendre, mon amie, fais bien attention à toi. Tu m'es si précieuse. Il m'est si bon de toucher tes mots du bout de mes doigts trop hagards. Il m'est si bon de sentir ta peau frémir sous la plume fine de cette page rebelle. Il m'est si bon de te savoir. De te connaître. De te sentir ainsi. Dédiée à la nuit pérenne. Juste à peine alanguie nue sous le drap chaud des dunes.

Offerte au désir des fantômes qui te guettent et attendent. Nos chers fantômes que nous aimons à entretenir, et qui nous causent tant et temps de leurs histoires antiques. Mais voilà bien le jour qui s'en vient mettre terme à ces gloses interminables de la nuit.

Je te veille en ma ville barbare. Je te veille et je m'endors. Ombre jusqu'à toi.

Qui pose pour ce temps l'errance.

 

Me glisser entre tes cuisses comme on entre en écriture, et me laisser perdre ainsi, jusqu'au terme de cette encre. Ma Nuit. Mon coeur. Me laisser t'envahir jusqu'à cette aube épuisée. Fatiguée. Ainsi l'on sent monter le jour.

J'aime ces craquements mortels de la nuit qui se déchire.

Et je tourne sans fin les pages de ton coeur. Et je griffonne sauvagement le silence. Et je t'invente ainsi, parce que tu me plais ainsi.

Je trace d'innombrables itinéraires. Des milliers et des milliers d'aiguilles et les rails sont "[ C'est ] un écheveau qui ne finirait point"... 

A la fin se laisser prendre. S'endormir alors que passent les stations. 

 

241p 1963 paris-est guy-laforgerie

Tag(s) : #Notre écriture
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